Partager sa charge

Communiquer des réussites, mais aussi des défaites

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Lors d’une conférence, Jean-Luc Favre, ancien directeur d’ABB Sécheron, présentait son analyse d’une situation de crise. L’entreprise a fait face, durant la crise des années 90, à une chute de 90% des commandes de clients. Malgré les difficultés, la direction a continué à garder le lien avec ses équipes et à partager de l’information sur les perspectives, bien que pas toujours réjouissantes. Des décisions difficiles ont dû être prises mais l’objectif était commun : garder l’usine ouverte. Une découverte dans le domaine des transformateurs de traction leur a permis de devenir les leaders mondiaux dans les technologies ferroviaires. En 2011, il confiait “avoir compris de son parcours passé que la transparence, y compris avec les collaborateurs était le maître mot en matière de gestion de ressources humaines”(Le temps, 3 octobre 2011). J’ai rencontré M. Favre dans les années 2010, il prévoyait l’arrivée d’une nouvelle crise ; il a depuis quitté l’entreprise en désaccord avec une décision de délocalisation.

Cette rencontre m’a vraiment marquée et m’a convaincue de l’importance de créer un lien avec ses équipes quand tout va bien pour pouvoir faire face au tumulte et mobiliser l’ensemble des forces à ce moment-là. Comment ai-je pu moi-même développer des liens au sein des entreprises avec lesquelles j’ai collaboré ? Voici quelques réflexions sur des actions qui favorisent une communication saine au sein des structures.

Tolérer l’erreur

Sans confiance, il est inutile d’attendre un vrai échange, essentiel au développement efficient. Si je sanctionne celui qui commet des erreurs en faisant preuve d’initiative, je cours le risque de tuer l’innovation et l’implication. Une personne qui ne se sent pas soutenue par sa direction va avoir tendance à cacher les problèmes ou à déléguer vers le haut, ce qui ralentit les prises de décisions voir grippe le système. Développer la compétence de chacun à recevoir une critique et donner du feed-back permet de progresser. Il ne s’agit pas de tout dire mais plutôt de dire ce qui est vrai pour moi et important pour me faire respecter.

Faire une place à l’avocat du diable

Souvenez-vous de Challenger, la navette spatiale qui a explosé en 1986. Un ingénieur raconte avoir écrit soigneusement ce qu’il devait dire lors de la réunion avant le lancement “en aucun cas lancer la navette, les joints sont trop instables”. Lorsque son tour est venu, il a dit comme les autres “lançons-la”(Les décisions absurdes, Christian Morel), soumis à la pression du groupe. Cet exemple illustre bien à quel point il est important de permettre aux voix discordantes de se faire entendre même si elles ne vont pas dans le sens de l’opinion dominante.

Descendre de sa tour d’ivoire

Diriger, ce n’est pas se draper de la cape d’un super héros ou d’une super héroïne, c’est accepter d’avoir peur et surmonter cette peur en reconnaissant ne pas avoir toutes les solutions. Il s’agit moins de parler que d’écouter activement, en permettant à chacune et chacun d’avoir un espace de parole équilibré. Donner son avis en priorité en tant que dirigeant ou dirigeante fausse le débat et réduit au silence des positions judicieuses qui n’oseront s’affirmer. L’excès de confiance conduit à s’enfermer dans ses erreurs.


«Le meilleur usage que l’on puisse faire de la parole, c’est de se taire. »
—Zhuãng Zhõu

Etre un manager par mauvais temps, c’est partager sa charge, en considérant les autres comme des alliés et parfois plus experts que soi-même, sans avoir l’arrogance de vouloir tout maîtriser. C’est également protéger ses équipes quand une erreur survient, en prenant ses responsabilités.