Innovation au sein d’une PME

Création d’un département, 10 points clés

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Je devais rester six mois dans cette entreprise – le temps d’implanter un système de gestion du temps. Cependant, ce ne fut pas le cas. En effet, le nouveau CEO, désireux de moderniser le système des salaires, s’est heurté à la résistance de la personne en charge de la gestion du personnel. Il m’a alors proposé de relever le défi de moderniser la gestion des RH et m’a fait confiance. Nous étions dans un contexte de croissance, avec rachat d’entreprises et création de plusieurs nouvelles structures en cinq ans. Ce défi, j’ai décidé de le relever en acceptant de participer à cette modernisation.

Tout a commencé par un mal de crâne : le téléphone n’arrêtait pas de sonner, la responsable avait développé un système contrôlant où tout devait passer par elle (y compris l’achat de papier toilettes). Elle refusait de partager son savoir-faire et confiait uniquement des tâches isolées, ce qui empêchait toute vision d’ensemble.

Deux idées très claires ont émergé suite à ce mal de crâne : si je voulais mener à bien mes missions, je devais éviter de reprendre le rôle de l’ancienne responsable . De plus, compte tenu des ressources limitées (à savoir moi-même), il fallait partager les connaissances afin de limiter les risques engendrés par un savoir reposant sur une seule personne.


Il s’agit dans certaines situations de mettre en place des solutions minimales avant de tout vouloir bétonner ce qui implique aussi d’y renoncer si ça ne fonctionne pas.


 Je dois ma survie à la pérennisation d’un poste d’assistant occupé par une ancienne apprentie qui détenait la mémoire de l’entreprise en matière de salaire et en qui j’ai décelé un potentiel d’évolution non négligeable. Cette première décision prise d’instinct m’a permis de garantir la fiabilité de la gestion des salaires – ce qui est, dans toute politique RH, fondamental pour gagner la confiance de ses équipes. 

C’est ici que je décide de partager avec vous ce que je retiens de cette expérience, en résumant ma manière de procéder. Il faut garder à l’esprit le nombre de ressources limitées (1,6 ETP) pour recruter, gérer la paie, mener les projets de développement & consolider les processus d’une structure qui a passé de 50 à 250 personnes en trois ans. Voici les dix leçons que j’ai tiré de cette expérience :

  1. Eviter la tentation centralisatrice, qui parfois nous donne l’illusion de maîtrise. Il est très risqué pour une entreprise d’être dépendante d’une seule personne. Si l’on veut développer l’esprit d’initiative, celui ou celle qui détient le savoir pour agir devrait pouvoir le faire.

  2. Observer et valoriser ce qui est bien réalisé et ne pas tout révolutionner. Lorsqu’une personne est remise en question, nous avons tendance à rejeter tout ce qui vient d’elle. Pour le nouveau manager, il s’agit de se faire sa propre opinion en mettant la main à la pâte. En effet, il est parfois nécessaire de faire preuve d’humilité pour bien saisir et comprendre les enjeux : le 90% de ses problèmes se résolvent s’il écoute les gens de terrain

  3. Laisser de la marge de manœuvre et faire confiance, ce qui implique d’une part de ne pas être accessible tout le temps et d’autre part d’offrir une écoute active dans certaines situations, d’investir dans la formation et aussi de rendre l’erreur acceptable. Sans cela, personne ne se risquera à innover et vous prenez le risque qu’on vous cache des choses essentielles.

  4. Impliquer et faire participer. Dans chaque entreprise se trouvent des personnes clés, parfois peu sollicitées, qui fourmillent d’idées et qui connaissent mieux que vous l’environnement. Votre rôle est d’expliquer ce que vous voulez réaliser et de les inviter à s’investir dans ces nouveaux projets en valorisant le savoir-faire de ceux qui sont sur le terrain.

  5. Identifier les pratiques non alignées sur les valeurs & prendre position. C’est sur ce point qu’il faut être irréprochable. Il peut arriver que nous ne puissions pas corriger la situation tout de suite. Il s’agira de reconnaître le problème et d’expliquer les raisons pour lesquelles nous ne pouvons agir immédiatement.  

  6. Simplifier et supprimer ce qui n’est pas essentiel en remettant en question les pratiques qui n’amènent pas de valeur et qui sont appliquées uniquement « parce qu’on a toujours fait comme cela ».

  7. Automatiser & prévoir. Tout ce qui peut être anticipé devrait l’être pour laisser du temps à l’imprévisible. Les « datas » comme le taux de rotation ou le taux d’absentéisme sont essentielles pour décider des priorités. Les tâches susceptibles de générer des erreurs devraient, dans la mesure du possible, être automatisées.

  8. Accueillir les doutes & fixer des limites. Le changement de culture ne se fait pas du jour au lendemain : un manager moins contrôlant peut déstabiliser des équipes qui étaient jusque là gérées par une main de fer. Il faut accueillir les doutes tout en expliquant ce qui n’est pas acceptable. En bref, se montrer juste & fiable.

  9. Accepter le risque car le monde est complexe et qu’il n’y a pas des solutions justes ou fausses. Le courage c’est la force d’affronter sa peur et d’avancer en équilibre.

  10. Prototyper, ré-essayer et parfois laisser tomber. Il s’agit dans certaines situations de mettre en place des solutions minimales avant de tout vouloir bétonner ce qui implique aussi d’y renoncer si ça ne fonctionne pas. L’innovation implique de pouvoir expérimenter des intuitions qui peuvent paraître surprenantes. Si les risques sont limités, on y va ! 

Ce que je retiens de toute cette expérience, c’est l’importance de conserver une attitude humble et de permettre aux différentes opinions d’émerger car le raisonneur idéal n’existe pas et parce que les voix discordantes ont le droit de se faire entendre pour le bien de l’entreprise.