Coopérer e basta!
Coopérer signifie agir avec l’autre en réciprocité. Cela implique d’élargir sa façon d’appréhender le monde pour construire une représentation commune qui nous permet d’agir ensemble. Coopérer implique la confiance et cela se construit sur le long-terme. L’action de coopérer va au-delà de la collaboration qui vise juste à amener sa contribution.
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Nous ne choisissons pas les personnes avec qui nous devons travailler, enfin dans la plupart des cas. Il n’est pas toujours aisé de construire des liens professionnels qui permettent un équilibre social, qui améliorent les relations. J’ai eu la chance de coconstruire avec une équipe une expérience qui favorise l’entre-aide : les entretiens de coopération. Ils visent à augmenter la compréhension du monde de l’autre et à créer peu à peu un environnement qui favorise la confiance et l’authenticité dans le but de dénouer régulièrement des points de tension qui pourraient survenir et de favoriser une autorégulation par le groupe qui est appelé à coopérer. Comment avons-nous procédé ?
1. Se donner un cadre
Nous avons tout d’abord déterminé ce qui pouvait se partager dans le cadre de ces entretiens entre collègues. Comme il s’agit d’un lieu professionnel, nous avons considéré comme important de ne pas jouer les psychologues et avons pris toutes les précautions afin d’éviter que des confidences trop intimes arrivent sur le tapis. Il s’agit d’un moment où une autre personne nous accompagne dans la recherche de solutions, nous écoute et nous soutient face à des attaques extérieures car l’équipe avec laquelle je travaille est parfois exposée à des critiques virulentes. En aucun cas, ces entretiens ne servent à se plaindre d’une collègue non présente : les conflits se règlent directement avec la personne concernée. La fréquence et la durée des entretiens ont également été fixées dans une charte. Des séances de supervision avec l’aide d’une personne externe ont été prévues chaque trimestre. Nous sommes parties du principe qu’il s’agissait d’un pilote et qu’il fallait à tout moment remettre en question la pratique si elle ne correspondait plus au besoin.
2. Savoir reconnaître ses émotions
Pour améliorer globalement les relations humaines, pour favoriser la coopération, nous faisons l’hypothèse que parvenir à identifier au mieux ses émotions peut être aidant. En effet, reconnaître (au sens non seulement d’identifier, mais aussi d’accepter) ses émotions permet de tenter de les réguler, de ne pas se laisser envahir par elles. Les émotions nous aident, elles visent notre survie et nous donnent des informations utiles dans ce sens. Par exemple, lorsque nous devons prendre une décision, nous mobilisons des compétences rationnelles, en faisant des scénarios par exemple, et aussi nos émotions. Des travaux de recherche ont montré que si nous arrivons dans un certain état d’esprit (colère-peur-tristesse) au moment où nous devons prendre des décisions, ce sont ces émotions incidentes, c’est-à-dire pas liées à la décision que nous devons prendre, qui vont nous influencer au détriment de celles liées à la décision qu’on appelle intégrées et qui nous aident à choisir les bonnes solutions.
Ceux qui écoutent mal se rabattent sur des généralités quand ils répondent; ils ne prêtent pas attention à ces petites phrases, aux mimiques ou aux silences qui ouvrent une discussion. Dans la conversation verbale comme dans la répétition d’un morceau de musique, l’échange commence à la base, il est d’essence. Richard Sennett
Nous nous sommes entrainées à écouter activement aussi bien nos sensations que celles des personnes écoutées en favorisant une méthodologie de feed-back et en répertoriant les leçons apprises et ce que nous devions améliorer.
3. Les questions exploratoires
Comment donc accompagner ses collègues ou s’accompagner soi-même en identifiant les émotions qui nous touchent dans certaines situations ?
Essayer d’identifier quel besoin se cache derrière l'émotion peut être une piste. Cela va nous aider à être plus précis et authentiques dans ce que nous allons partager à l’autre personne. Il est important de garder à l’esprit qu’une émotion est personnelle et liée à un moment précis. Il est donc très dangereux d’interpréter celles des autres et nous devons être très prudentes dans la manière dont nous reflétons une observation.
Deux principes nous semblent importants à respecter :
• Est-ce que je génère de l’ouverture ou de la défensive en utilisant ces mots ?
• Est-ce que j’interprète ou je reflète vraiment la situation que vit la personne que j’écoute ? Pour garantir cette prudence, il peut s’avérer utile de formuler une observation plutôt par une question.
Parfois, la situation qui est partagée est un peu confuse, c’est pourquoi l’écoutant peut aider la personne écoutée en réalisant des résumés ou synthèses et/ou en posant des questions qui visent à clarifier : les questions exploratoires. Celles-ci vont aider la personne écoutée à mieux cerner le problème le plus important dans une situation donnée. Elle fait parfois émerger un détail important et amène la personne écoutée à être plus spécifique.Voici deux exemples de questions exploratoires : comment réagis-tu ? Qu’est-ce que cela te fait ?
Ce type de question permet d’amorcer un dialogue pour que l’écoutée puisse décrire plus précisément ses blocages, sélectionner des objectifs, formuler des stratégies, discuter des obstacles éventuels et analyser ses interventions.
De nombreux éléments nous empêchent d’être authentique à savoir, non pas une façade, un rôle ou une prétention selon Carl R. Rogers . Un contexte concurrentiel, le manque de confiance en celles et ceux qui ont un pouvoir de décisions, nous pousse à jouer un rôle pour nous protéger. Dans les feed-back que j’ai pu recueillir suite aux entretiens de coopération, certaines ont ressenti comme une pression pour faire bien. La plupart des fois, cela a été remarqué par les autres personnes ; il y avait comme un malaise, une inadéquation perceptible.
Dans le même ordre d’idée, vouloir amener des solutions est contre-productif, entrave l’écoute active et la plupart du temps n’apparaît pas comme ce qui est recherché par la personne écoutée. Par contre, aider à clarifier en reformulant (répéter quelques mots dits par la personne suffit), en résumant lorsque plusieurs sujets sont amenés pour aider la personne écoutée à avancer et à choisir le plus important, en recadrant (montrer les aspects positifs aussi), la personne qui écoute permet à l’autre d’activer ses propres ressources.
Vous l’avez compris, nous ne parlons pas ici de coopération feinte au sens de deep acting selon Gideon Kunda, où on apprend à faire semblant d’avoir l’esprit d’équipe pour se rendre intéressant, généralement aux yeux de managers qui peuvent juger l’équipe. Nous parlons d’un réel respect qui permet la coopération dans les situations difficiles. Cette forme de coopération ne peut s’accomplir que dans des équipes qui restent durablement ensemble et qui partagent un certain niveau de confiance.