Plaidoyer pour les problèmes
L'avenir n'existe pas, il nous faut l'inventer. Comment donc faire des choix éclairés et avancer dans l'incertitude d'un futur sur lequel nous n'avons pas de prise ? Je remarque que parfois on veut brûler les étapes en négligeant d'identifier clairement le problème. Certains managers clament "des solutions, pas des problèmes..." Et pourtant, amener des solutions au mauvais problème, c'est justement le début des problèmes.
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Je suis une adepte de la méthode "lean" en organisation. Mon ennemi, c'est la bureaucratie et je poursuis sans cesse l'allègement des processus inutiles, qui entravent l'accomplissement de ce qui a une réelle valeur ajoutée. Face à un problème à résoudre, je fais face et j'essaie d'éviter de rester “sur place”. Ce que je recherche c'est une "prise", comme en escalade, pour réduire l'incertitude et faire le prochain pas. Cela est possible si je parviens à définir le réel problème sans tabou, ce sur quoi je dois agir. C’est la première étape pour éviter de tourner en rond et si ensuite je ne trouve pas de solutions, je me rappelle cette phrase d’Einstein, un problème sans solution est un problème mal posé.
déFINIR LE PROBLèME : LA RèGLE DES 5 POURQUOI
Une façon élégante de savoir si nous avons défini le réel problème consiste à se poser 5 fois la question “pourquoi ?”. C’est Sakachi Toyoda, fondateur de Toyota, qui aurait mis au point cette méthode pour remonter au problème racine, à la cause première qui permet ensuite de trouver des solutions. Dans la philosophie “lean”, plutôt répandue dans l’industrie, il ne s’agit pas de stigmatiser celui ou celle qui a commis une erreur mais de plutôt comprendre les facteurs qui ont conduit à l’erreur pour éviter qu’elle ne se reproduise. Chaque membre de l’équipe peut actionner le signal andon (au Japon, il s’agit d’une lampe en papier) qui arrête la machine si une anomalie est détectée. Le problème n’est pas l’erreur mais la répétition de celle-ci.
Kaizen : l’amélioration continue au quotidien et à petits pas
Le mot Kaizen signifie, de manière simplifiée, changer pour le mieux. C'est un état d'esprit plus qu'une méthode. Basé sur le respect mutuel, le Kaizen vise à impliquer tout le monde, tous les jours dans la résolution de problèmes jusqu’à ce que le fait de détecter, sélectionner, prioriser, résoudre les problèmes et vérifier les solutions choisies devienne automatique. C'est de la résolution de problème ou de l’innovation en équipe par petits pas continus. Une telle culture permet d’éviter la dissimulation de dysfonctionnement.
Si vous n’avez aucun problème, vous avez un problème. Taiichi Õno
Prendre une décision consiste à trouver un équilibre entre la collecte d'informations, l'analyse et le just do it qui nous pousse à agir avant de savoir ce dont nous avons besoin. L'état d'esprit Kaizen nous aide à filtrer ce qu'il faut faire au minimum pour améliorer la situation. Les forces se concentrent sur l’essentiel.
Plutôt que de rechercher une solution parfaite qui a tendance à paralyser toute action, nous sélectionnons des options avec une évaluation des conséquences possibles.
NE PAS CONFONDRE FIN ET MOYENS
Un écueil important dans la prise de décision consiste à confondre les moyens et la fin. Décider de vouloir améliorer le confort de son salon, par exemple, ne signifie pas forcément acheter des fauteuils en cuir, choix qui n'est qu'une option parmi d'autres pour augmenter le confort d'un intérieur.
Il convient de prendre le temps de faire l’inventaire de tous les questionnements, inconforts et ambiguïtés aussi. Une des raisons qui nous pousse à prendre de mauvaises décisions, c’est de ne pas réfléchir au compromis à réaliser entre des objectifs antagonistes. En ce qui me concerne, pour trouver ce qui est juste, une fois les éléments d’analyse réunis, je fais confiance à mon intuition, cette petite voix intérieure nourrie de mes expériences. Elle me sert de boussole et m’aide à trancher.
Quelle que soit l’option choisie, il est adéquat de conserver une certaine souplesse, voire d’anticiper des scénarios selon l’évolution, déterminer les incertitudes pertinentes comme nous le rappellent Crozier et Friedberg. Sous-estimer l’imprévu est un piège à éviter.
J’ai dans ma bibliothèque une très belle édition de La Voie et sa vertu de Lao-Tzeu. Il m’arrive de l’ouvrir au hasard et de méditer ce que j’y lis. Je viens de le faire et voici la perle que j’y ai découvert : Choie la tribulation comme ton propre corps. La tribulation vient de ce que j’ai un corps. Si je n’ai plus de corps, où la tribulation pourra-t-elle m’atteindre ? Tant que j’aurais des problèmes à résoudre, je serai en vie. Voilà une bien belle pensée pour relativiser, n’est-ce pas ?