Respirer
Respirer est un réflexe, un automatisme que nous héritons dès la naissance. Et pourtant, savons-nous vraiment respirer ? Dans un souffle, je vous livre une expérience très personnelle.
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Durant deux mois, mon père a été hospitalisé pour une insuffisance respiratoire. Son taux de saturation d’oxygène dans le sang était de 63 % : un état catastrophique. En dessous de 88 %, c’est déjà grave. Soudain, le réflexe de la respiration est devenu pour moi une préoccupation constante. J’ai ainsi pris conscience que mon père respirait à l’envers, ce qui altérait sa capacité à vivre sans apport d’oxygène externe.
J’ai adopté un rythme plus lent parce que je voulais être près de mon père et soutenir ma sœur très investie dans l’accompagnement quotidien de mes parents. Sur le chemin de l’hôpital, je me suis reconnectée avec ma propre respiration et j’y ai trouvé un apaisement, la possibilité de prendre du recul.
Le souffle mystérieux & poétique
Le souffle qui nous traverse a quelque chose d’insaisissable, de mystérieux. Quand je fais du skating, je perçois bien la puissance de ce souffle qui me permet de progresser dans la durée. J’ai aussi pu ressentir le caractère plus poétique du souffle en pratiquant le Qi Qong. Au chevet de mon père, les échanges verbaux étaient difficiles, parler lui demandait trop d’énergie. J’ai alors apprivoisé le silence et l’absence de mouvement. Le rythme de nos respirations, c’était notre lien.
Dans le train qui m’emmenait à son chevet, je lisais Éloge de la parole de Philippe Breton et découvrais que la parole est un geste vivant - ce que la langue des signes illustre avec évidence - et que c’est le souffle qui le permet. A contrario, sans souffle pas de parole.
Un muscle discret & puissant
À force d’observer mon père, j’ai fini par comprendre qu’il respirait à l’envers particulièrement quand il était angoissé. Je voudrais vous parler ici d’un muscle méconnu et pourtant fondamental non seulement pour la respiration, mais aussi pour la régulation des tensions : le diaphragme. J’ai longtemps cru que c’était un petit truc rond à la hauteur du plexus solaire alors que c’est un muscle qui se situe entre le thorax et l’abdomen, en forme de parachute et qui est rattaché aux côtes et aux lombaires. Il fonctionne comme un piston. Quand nous inspirons, il se contracte et s’aplatit et avec l’aide des muscles intercostaux pousse le sternum vers l’avant ce qui fait de la place pour accueillir de l’air ; quand nous expirons, il se relâche. Le problème c’est que nous avons de la difficulté à lui permettre de se relâcher.
« Retenir son souffle, c’est attraper une fraction de temps volatile et l’emprisonner entre deux inspirations » (Guillaume Néry, champion français d’apnée)
Le bon sens de la respiration
Connaissez-vous le bon sens de la respiration ? Quand on inspire, le ventre doit se soulever et quand on expire il doit rentrer à l’intérieur, comme si nous voulions serrer un cran plus loin notre ceinture. En raison de notre mode de vie stressé, nous avons tendance à respirer dans le haut du corps, au niveau de la cage thoracique, voir des clavicules. Dans ces situations, nous inversons le sens de respiration et ne permettons pas au diaphragme de se détendre. Or il se contracte 20 000 fois par jour. Que faire alors ? S’entraîner 5’ par jour à respirer avec l’abdomen en vérifiant que nous sommes dans le bon sens et prolonger l’expiration ce qui permet vraiment un bon relâchement du diaphragme. Pourquoi ne pas aussi retenir un peu son souffle avant d’expirer - quelques secondes seulement. Cela procure un état suspendu qui aide à relâcher les tensions.
Respirer avec l’abdomen permet d’amener l’air dans le bas des poumons et donc d’avoir une meilleure oxygénation de notre organisme. Inspirer donne de l’énergie, active la vigilance alors qu’expirer permet de gagner en sérénité. Privilégier des expirations plus longues permet de retrouver son calme dans des situations stressantes.
Les silences profonds de mon père m’ont permis de comprendre la mécanique de la respiration, de découvrir dans l’imperceptible mouvement du diaphragme la force du souffle de vie. Et aussi d’expérimenter la vertu de la « patience ardente » telle que décrite par Baptiste Morizot dans son livre Sur la piste de l’animal. « Cette intense maîtrise de l’attention » qui nous permet d’espérer.