Parité dans les directions

3 axes de réflexion pour conserver l’attractivité de votre entreprise

← tous les articles

 
 
 

En tant que dirigeante, j’ai réfléchi à comment favoriser l’accession des femmes à des postes clés. Dans une organisation où j’ai occupé un poste de direction, nous avions 25 % de femmes aux fonctions les plus élevées ; pour atteindre la parité dans les 8 ans, il aurait fallu remplacer le 100% des départs à la retraite par des candidatures féminines. En Suisse, selon le WEF, la représentativité des femmes à des postes de direction s’élève à 21%. Au sein de l’OCDE (Organisation de développement et de coopération économiques), il faudra 257 ans pour avoir une parité sur ce plan.

Cette situation me pousse à présenter 3 axes à travers lesquels il est possible d’initier des changements à fort impact au sein des directions d’entreprise.

1. Viser un taux de 30 % de femmes au moins à des postes de direction

Pour faire changer en profondeur cette problématique, il faudrait même viser un 40%. En dessous d’un certain volume, il est difficile de faire progresser les mentalités et les stéréotypes continueront de se véhiculer.Cette action ne suffit néanmoins pas, il s’agit ensuite de maintenirles femmes à des postes clés lors de l’arrivée des enfants. Selon un rapport de l’OFS en 2016, 38,6 % des femmes sont non-actives (sur le marché du travail) après un deuxième enfant alors que nous avons la population de femmes actives la plus élevée de l’UE avant l’arrivée d’un enfant. L’impact de la maternité sur une carrière professionnelle est donc non négligeable. De plus les femmes rendues non-actives en raison des enfants restent en moyenne 5 ans hors du marché du travail. Cela contribue également à les pénaliser dans le monde du travail.

2. Oser le Job sharing, les équipes mixtes sont plus performantes

Alors que le job sharing s’envisage à la tête de nos partis politiques, c’est encore une question taboue dans les entreprises. Pourtant selon certaines études menées auprès de 5000 managers ( étude de Boston Consulting Group en Allemagne, Chine, France, Royaume-Unis, Etats-Unis, 2017), les postes de direction deviennent moins attractifs en raison de la forte pression vécue.

Pour l’entreprise, c’est donc un grand risque d’investir sur une seule personne pour un poste; le job sharing permet de partager les responsabilités tout en garantissant une certaine polyvalence, ce qui répartit les risques.


Le job sharing pourrait également être très intéressant en fin de carrière afin de favoriser l’accession d’un ou d’une successeur-e. Un important changement de mentalité doit avoir lieu : le poste s’éloigne de l’ enjeu de pouvoir vers des rôles ou responsabilités partagés. Cela implique aussi la remise en question de la loi du temps plein pour accéder à des postes de manager. Soyons agiles et promouvons les résultats plutôt que le taux de présence comme le préconise un récent rapport de l’Université de Saint-Gall . Actuellement, les personnes travaillant à temps plein bénéficient de plus de promotion ce qui amène les femmes au dead-end mommy track (la voie sans issue pour les mères) même si elles occupent des postes à 80 ou 90 %. Rappelons que 4 pères sur 5 travaillent à 100 %.

3. Anticiper & innover en créant des pools de relève misant sur la parité.

Les directions devraient s’engager à favoriser un environnement suffisamment « women friendly » pour permettre à celles-ci de sortir du bois. Une présidente de conseil d’administration qui demandait plus de femmes à des postes à responsabilité m’a confié ne pas accepter l’excuse de la DRH qui invoquait le fait que les femmes ne veulent pas prendre des responsabilités. Selon elle, c’est le problème de l’entreprise. C’est également une question d’image, de marque employeur lorsque qu’il est difficile de recruter des personnes de valeur.

Définir des règles en termes d’écoute active dans les séances ou de temps de parole pour l’ensemble des hommes/femmes pourrait être un premier pas pour permettre l’émergence d’avis plus variés en évitant les abus de prise de parole ; cela améliorerait considérablement la qualité de ces réunions et permettrait une participation plus riche& diversifiée. Tout comme nous le rappelle Eglantine Jamet (article du journal Le Temps), il ne s’agit pas de penser que les femmes sont meilleures ou qu’elles auraient des qualités différentes des hommes, seulement de se souvenir qu’on ne conditionne pas les filles et les garçons de la même manière. Face à un comité de direction générale entièrement masculin, un de mes collègues consultants a affirmé lors d’une formation au changement que je co-animais avec lui que les femmes ont plus de compétences émotionnelles que les hommes. Cela n’est pas vérifié mais c’est un stéréotype constamment véhiculé ; cela est même contreproductif pour les femmes car en évoquant leurs compétences émotionnelles, nous sous-entendons l’absence de compétences telles que l’esprit d’analyse, de décision ; les chercheurs appellent ce phénomène le sexisme bienveillant.

Les membres de la direction doivent également réfléchir à leurs biais cognitifs en situation de recrutement ou de sélection de futurs leaders. Lors d’un entretien que je conduisais avec un directeur général, ce dernier a demandé à la candidate - qu’il avait par ailleurs choisie et qu’il trouvait compétente - si elle se sentait capable de gérer de front son nouveau poste et la responsabilité de ses enfants. Les intentions n’étaient pas malveillantes mais aurait-il posé la même question à un homme ?